Dénigrer son employeur en privé est-il constitutif d’une faute justifiant le licenciement ?

La liberté d’expression des salariés est un droit fondamental. Cette liberté n’est cependant pas absolue, et il convient de l’équilibrer, voire sanctionner lorsqu’elle se transforme en abus.

La Cour de cassation nous apporte une nouvelle illustration de cet équilibre parfois difficile à opérer.

Au regard de l’article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales, la Cour de cassation avait déjà rappelé  que si « toute personne a droit à la liberté d’expression », l’exercice de cette liberté entraîne « des devoirs et des responsabilités » (Cass. soc., 20 avr. 2022, n° 20-10.852)

C’est ainsi qu’il a été jugé que les propos tenus par un salarié à l’encontre de son entreprise, des dirigeants de celle-ci ou de ses collègues de travail sont considérés abusifs dès lors qu’ils sont injurieux, diffamatoires ou excessifs (Cass. soc., 30 oct. 2002, n° 00-40.868 ; Cass. soc., 21 mars 2018, n° 16-20.516).

Dans le cas d’espèce, une salariée avait indiqué à l’un de ses collègues, lors d’un « divertissement familial » en dehors de leurs horaires de travail, et face à deux de ses amis, que les dirigeants qui les emploient ont affirmé que celui-ci était « le plus mauvais peintre qu’ils avaient pu avoir ».

Les dirigeants en question ont contesté avoir tenu ces propos blessants et humiliants, mis à pied et licencié la salariée pour faute grave.

Est-il désormais interdit de critiquer son employeur, en dehors du temps de travail, sans communication sur les réseaux sociaux, dans un contexte familial, ou même tout simplement à une table de restaurant, avec le risque que les propos tenus ne soient répétés à l’employeur ?

Ce comportement peut-il être considéré comme constitutif d’une faute justifiant le licenciement ?

La Cour de cassation répond en deux points :

« Ayant relevé que les employeurs contestaient avoir tenu de tels propos et alors que la salariée ne soutenait pas qu’ils l’avaient réellement fait, la cour d’appel, qui a relevé que l’affirmation publique selon laquelle l’employeur aurait tenu de tels propos constituait un dénigrement de ce dernier, a fait ressortir le caractère diffamatoire de ces propos et a pu en déduire que la salariée avait abusé de sa liberté d’expression. »

« même si ces propos avaient été tenus en dehors du temps et du lieu du travail, ils avaient été adressés à un autre salarié de l’entreprise afin de donner une mauvaise image de ses dirigeants et créer un malaise entre ces derniers et les membres du personnel. Elle a pu en déduire qu’ils caractérisaient un manquement de la salariée à son obligation de loyauté découlant de son contrat de travail »

En tout état de cause, dans des situations similaires, la question de la preuve des propos rapportés fera l’objet d’une attention particulière, à la fois pour la personne dénigrant son employeur, et pour l’employeur souhaitant rapporter le « caractère public » de la diffamation.

L’ensemble de notre équipe est à votre disposition pour vous accompagner et faire face à ces problématiques.

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