L’avis de la médecine du travail sans étude de poste est-il valable ?

La Cour de cassation a rendu le 7 décembre dernier deux arrêts sur la portée des avis de la médecine du travail, et la pertinence de l’étude de poste dans certaines situations.

Lorsque le médecin du travail se prononce sur l’aptitude, ou non, d’un salarié à occuper son poste de travail, il doit respecter les dispositions prévues par l’article R. 4624-42 du code du travail qui dispose que :

« Le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude médicale du travailleur à son poste de travail que :

1o S’il a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;

2o S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;

3o S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;

4o S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

« Ces échanges avec l’employeur et le travailleur permettent à ceux-ci de faire valoir leurs observations sur les avis et les propositions que le médecin du travail entend adresser. »

Ainsi, le constat d’inaptitude ne peut donc pas suivre directement l’examen médical. Au vu de l’état de santé du salarié, le médecin du travail doit réaliser ou faire réaliser une étude du poste et des conditions de travail et, ensuite, échanger avec le salarié et l’employeur.

Pour autant, la Cour de cassation a eu l’occasion d’apporter une nuance à l’article R. 4624-42 du code du travail en estimant que l’étude de poste ne serait pas nécessaire dans certains cas, pour se prononcer sur l’inaptitude d’un salarié.

En l’espèce, un agent d’entretien avait fait l’objet d’un arrêt de travail pendant lequel des échanges avec l’employeur se sont envenimés. Le médecin du travail avait alors conclu lors de la visite de reprise à l’inaptitude pour le salarié, sans procéder à une étude de poste.

L’employeur a alors contesté  l’avis d’inaptitude dans le délai de 15 jours devant le conseil de prud’hommes, et estimé qu’il existait une irrégularité de procédure en l’absence d’étude de poste.

La Cour de cassation a estimé que :
« La cour d’appel, qui a procédé à l’examen de la procédure suivie par le médecin du travail et relevé que l’inaptitude de l’intéressé ne résultait pas des conditions de travail mais d’une dégradation des relations entre les parties pendant l’arrêt de travail et des conséquences psychiques qui en sont résultées, a pu en déduire que l’absence d’études récentes était sans influence sur les conclusions du médecin du travail qui concernaient une période postérieure à l’arrêt de travail et décider que le salarié était inapte au poste d’agent d’entretien ainsi qu’à tout autre poste au sein de la société ».

Il apparait ici  que l’étude de poste ne semblait pas nécessaire puisque l’inaptitude serait « apparue » durant la période de suspension du contrat de travail.

Dans un arrêt du même jour, la Cour de cassation est venue préciser que : « après avoir constaté que l’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail le 11 avril 2017 mentionnait les voies et délais de recours et n’avait fait l’objet d’aucune contestation dans le délai de 15 jours, en a exactement déduit que la régularité de l’avis ne pouvait plus être contestée et que cet avis s’imposait aux parties comme au juge, que la contestation concerne les éléments purement médicaux ou l’étude de poste. »

Dès lors, si le salarié ne conteste pas son avis d’inaptitude dans les 15 jours, ce dernier s’impose aux parties, comme au juge.

Il convient d’apporter une attention particulière aux avis de la médecine du travail en matière d’inaptitude, et de réagir rapidement en présence d’éventuelles irrégularités, au risque de ne plus pouvoir contester ces éléments dans le cadre d’un contentieux.

L’ensemble de notre équipe est à votre disposition pour vous accompagner et faire face à ces problématiques.

Partager: