La position de la Chambre sociale de la Cour de cassation a toujours été constante au sujet de la démission : une démission ne peut résulter que d’une manifestation claire et non équivoque de la volonté du salarié de mettre fin à son contrat de travail.
En cas d’abandon de poste, il était donc considéré que le salarié n’avait pas exprimé de façon claire et non équivoque la volonté de mettre fin à la relation de travail : il ne pouvait donc pas s’agir d’une démission.
Jusqu’ici, deux solutions s’offraient à l’employeur faisant face à un abandon de poste :
- Mettre en demeure le salarié de justifier son absence et, si le salarié ne répondait pas, procéder à un licenciement, généralement pour faute grave.
- Cesser le versement du salaire et considérer le contrat comme suspendu, sans toutefois rompre le contrat de travail (car l’employeur n’a pas d’obligation de licencier dans cette situation).
Dans la mesure où le licenciement (même pour faute grave) permet d’obtenir des indemnités chômage auprès de Pôle Emploi, certains salariés faisant face à un refus de rupture conventionnelle de leur employeur, et souhaitant bénéficier du chômage, faisaient donc le choix de l’abandon de poste, en espérant obtenir un licenciement.
Mais un projet de loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi », actuellement en cours de discussion, pourrait changer les choses.
En effet, un amendement de ce projet de loi, adopté le 5 octobre 2022, envisage la création d’un article L.1237-1-1 du Code du travail qui serait ainsi rédigé :
« Le salarié qui a abandonné volontairement son poste et ne reprend pas le travail après avoir été mis en demeure à cette fin, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge, est présumé démissionnaire. Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de cette présomption peut saisir le conseil de prud’hommes.
L’affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées. Il statue au fond dans un délai d’un mois suivant sa saisine ».
En l’état, le texte pose beaucoup de questions :
- A partir de quand l’employeur peut-il procéder à la mise en demeure de justifier l’absence ?
- De combien de temps disposera le salarié pour lui répondre ?
- A partir de quand le défaut de réponse du salarié permettra-t-il de considérer qu’il existe une démission ?
- Quelle sera la date de rupture du contrat de travail ? (le début de l’absence ? la mise en demeure ?)
Il ne s’agit toutefois à ce stade que d’un projet de loi, qui devrait notamment passer par un examen devant le Sénat et le Conseil constitutionnel avant d’entrer éventuellement en vigueur.