L’article L. 2314-18 du Code du travail fixe les conditions pour être électeur lors des élections professionnelles : « Sont électeurs les salariés des deux sexes, âgés de seize ans révolus, travaillant depuis trois mois au moins dans l’entreprise et n’ayant fait l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relatives à leurs droits civiques ».
Les conditions d’éligibilité sont quant à elles fixées par l’article L. 2314-19 du Code du travail prévoit notamment que : « Sont éligibles les électeurs âgés de dix-huit ans révolus, et travaillant dans l’entreprise depuis un an au moins, à l’exception des conjoint, partenaire d’un pacte civil de solidarité, concubin, ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré de l’employeur ».
En combinant ces deux dispositions, une jurisprudence établie de longue date excluait les salariés assimilés à l’employeur de l’électorat et de l’éligibilité pour les élections professionnelles.
Plus précisément, n’étaient ni électeurs, ni éligibles :
- Les salariés disposant d’une délégation particulière d’autorité établie par écrit permettant de les assimiler au chef d’entreprise (Cass. soc. 6 mars 2001 n°99-60.553),
- Les salariés représentant effectivement l’employeur devant les représentants du personnel, le CSE mais également devant les représentants de proximité (Cass. soc. 31 mars 2021 n°19-25.233).
Cette jurisprudence avait pour objet d’éviter que les salariés assimilés à l’employeur puissent se retrouver dans une position ambiguë en participant aux élections qu’ils peuvent eux-mêmes organiser ou en exerçant un mandat de représentant du personnel.
Mais cette jurisprudence a été remise en cause au regard du principe constitutionnel de participation des travailleurs : à l’occasion des élections professionnelles dans une chaine de supermarchés, la CGT avait obtenu en justice, sur le fondement de la jurisprudence précitée, le retrait des 80 directeurs de magasin (qui représentaient 30 % de l’effectif du collège cadre) des listes électorales pour les élections des CSE.
La CFE-CGC, dans le cadre d’un autre volet du contentieux relatif à ces mêmes élections, a posé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) que, par jugement du 17 juin 2021, le tribunal judiciaire de Bourg-en-Bresse a transmis à la Cour de cassation, qui a considéré que la question était suffisamment sérieuse pour la transmettre au Conseil Constitutionnel (Cass. soc., 15 septembre 2021 n°21-40.013).
Le Conseil constitutionnel s’est prononcé par une décision n° 2021-947 QPC du 19 novembre 2021.
Il a déclaré l’article L.2314-18 du Code du travail contraire à la Constitution et plus particulièrement au huitième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 qui dispose que : « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises ».
Le Conseil Constitutionnel juge en effet que : « en privant des salariés de toute possibilité de participer en qualité d’électeur à l’élection du comité social et économique, au seul motif qu’ils disposent d’une telle délégation ou d’un tel pouvoir de représentation, ces dispositions [l’article L.2314-18] portent une atteinte manifestement disproportionnée au principe de participation des travailleurs ».
Pour éviter de telles conséquences qui apparaissent manifestement excessives, il avait été décidé de reporter au 31 octobre 2022 l’abrogation de cette disposition.
Le Conseil constitutionnel a également sécurisé les élections passées et en cours en précisant que : «Les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées inconstitutionnelles ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité».
La décision concerne l’électorat (la capacité à voter) et non l’éligibilité : les représentants de l’employeur ne peuvent donc toujours pas se présenter aux élections en tant que candidats, ni y être élus.
Par conséquent : soyez vigilants. A compter du 31 octobre 2022 et sous réserve de l’évolution des textes en vigueur, les salariés représentants l’employeur au moyen d’une délégation de pouvoirs ne doivent plus être exclus de l’électorat des élections du CSE.