Peut-on créer une activité concurrente de celle de son ancien employeur ?

Rien n’interdit à un salarié, en l’absence de clause de non-concurrence, de créer une activité concurrente à celle de son ancien employeur. Toutefois, elle doit être exercée loyalement, sous peine de voir engagée la responsabilité du salarié ou de la nouvelle société.

 

Illustration avec un arrêt du 7 décembre 2022 de la chambre commerciale de la Cour de cassation. Les hauts magistrats énoncent que le seul fait, pour d’ex-salariés d’une société qui ont créé une entreprise concurrente à celle de l’ancien employeur, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de l’ancien employeur, obtenues en cours d’exécution de leur contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale de la nouvelle société.

 

Dans cette affaire, la société A, qui exerce une activité d’administration d’immeubles, assigne la société B, créée par deux de ses anciens salariés. Elle lui reproche d’avoir illicitement démarché sa clientèle. La cour d’appel saisie du litige l’ayant déboutée de ses demandes d’indemnisation, la société A forme un pourvoi en cassation. Elle soutient que le seul détournement du fichier clientèle d’un concurrent pour démarcher sa clientèle constitue un procédé déloyal. Elle fait également valoir que la réalisation d’actes d’exploitation d’une société concurrente par un salarié avant la fin de son contrat de travail – en l’espèce des actions de démarchage – constitue une violation de son obligation de loyauté.

 

La Cour de cassation, saisie du litige, donne raison à la société A et casse l’arrêt d’appel. Les hauts magistrats précisent que « le seul fait, pour une société à la création de laquelle a participé l’ancien salarié d’un concurrent, de détenir des informations confidentielles relatives à l’activité de ce dernier et obtenues par ce salarié pendant l’exécution de son contrat de travail, constitue un acte de concurrence déloyale« .

 

En l’espèce, la cour d’appel a considéré que le transfert par les deux salariés à la société B de listes de résidences gérées par la société A et de listes des adresses de messagerie électronique des conseils syndicaux de résidences également gérées par cette société, obtenues alors qu’ils en étaient salariés, n’est pas fautif. En effet, il n’est pas établi que les intéressés ont exploité ces informations par un moyen fautif.

 

La Cour de cassation censure cette analyse, dès lors que « la seule détention par la société » B « d’informations confidentielles relatives à l’activité de la société » A, « obtenues par d’anciens salariés de cette dernière en cours d’exécution de leur contrat de travail et qui avaient contribué à sa création, constituait un acte de concurrence déloyale« .

 

La Cour de cassation rappelle également que « constitue un acte de concurrence déloyale le fait, pour une société à la création de laquelle a participé le salarié d’une société concurrente, de débuter son activité avant le terme du contrat de travail liant ceux-ci« .

 

Or la cour d’appel, pour rejeter les demandes de la société A, relève que l’activité concurrente incriminée de la société B n’a effectivement démarré qu’après la fin des contrats de travail des deux salariés. Elle en déduit « que, le contrat de travail ne stipulant pas de clause de non-concurrence, il n’existe pas de faute imputable à l’ancien salarié » dont la société B se serait rendue complice.

 

Pour les hauts magistrats, en se déterminant ainsi, la cour d’appel a privé sa décision de base légale. En effet, elle aurait dû rechercher si l’envoi par la société B, « le 24 février 2017, d’une proposition de contrat de syndic à un membre d’une copropriété cliente de la société » A « ne constituait pas un acte d’exploitation commis antérieurement au terme du contrat de travail liant » le salarié et la société A, « constitutif d’une faute« .

 

Cass. com., 7 décembre 2022, n° 21-19.860, publié

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